english
français
RP2E INRA Université de Lorraine

Effets des étangs de barrage sur le fonctionnement biologique des cours d'eau de tête de bassins versants forestiers

Séminaire RP2E - S'attaquer aux défis multiples : penser au niveau Mondial et agir à l'échelle locale ?, 28 janvier, Vandoeuvre-lès-Nancy, France

Four, B., Arce Funck, E., Iuretig, A., Thomas, M., Banas, D.

2016

 

Le manque actuel de connaissances sur le fonctionnement des étangs piscicole de barrage (écosystèmes lentiques) a conduit les autorités à préconiser l’effacement de ces systèmes lentiques pour rétablir la continuité écologique aquatique et sédimentaire imposée par la Directive Cadre sur l’Eau (directive 2000/60/CE). Pourtant, comme l'ont montré de précédentes études (EPCN, 2008), les étangs sont des milieux favorables à la sauvegarde d’habitats d’intérêt communautaire et au maintien des populations d’espèces de batraciens et d’oiseaux ayant un intérêt patrimonial en plus de leurs utilisations à des fins socio-économiques (pisciculture et chasse aux gibiers d’eau). Des études récentes (Trintignac et al., 2014) ont de plus montré que les pratiques piscicoles (e. g. vidanges régulières, entretien de la végétation) augmentaient significativement la diversité de producteurs primaires (hélophytes et hydrophytes en étang). La présence d’un étang sur les cours d’eau de tête de bassin versant forestier entraine une ouverture de la canopée s’accompagnant d’une augmentation de l’incidence lumineuse reçue par le milieu aquatique. Cela peut entrainer une augmentation de la production primaire de matière organique (dite autochtone). Par ce biais, les étangs de barrage pourraient modifier les équilibres souvent fragiles des écosystèmes aquatiques lotiques forestiers en place. Les ruisseaux de tête de bassin versant (BV), notamment en contexte forestier, sont fortement dépendants de la matière organique (MO) allochtone (les litières forestières). Cette dernière est considérée comme la principale ressource alimentaire pour les réseaux trophiques basaux (Vannote et al., 1980). Cette MO allochtone est beaucoup plus pauvre en nutriments que la MO autochtone. Certains auteurs ont montré que l’ajout de nutriments peut favoriser la décomposition de MO allochtone (Danger et al., 2013). L’apport de MO autochtone pourrait par conséquent avoir des conséquences diverses sur le fonctionnement des cours d’eau forestiers.

Notre hypothèse est que l’étang pourrait entrainer une modification de la décomposition de la MO allochtone du fait de l’augmentation importante des ressources trophiques dans le cours d’eau récepteur. De plus, la modification des ressources alimentaires est susceptible d’entrainer une modification des communautés d’hyphomycètes et d’invertébrés benthiques qui sont les deux principaux groupes associés à la décomposition des litières forestières sur les cours d’eau de tête de bassin versant forestier.

Dans cette étude, nous avons suivi la décomposition des litières forestières, un indicateur important de l’intégrité fonctionnelle des cours d’eau de tête de BV (Gessner et Chauvet 2002), ainsi que les communautés d’hyphomycètes et d’invertébrés associées à cette décomposition en amont et en aval de 3 étangs de barrage en milieu forestier.

Nous avons mesuré une légère augmentation (n.s.) de la décomposition des litières à l’aval des étangs. Celle-ci était en adéquation avec les résultats de biomasses fongiques puisque elles étaient légèrement plus élevées à l’aval des étangs (n.s.).

Concernant les communautés de macroinvertébrés benthiques prélevés lors des suivi de décomposition de litières, nous avons mis en évidence une augmentation significative de l’abondance relative en taxons polluorésitants (p<0,01) et une diminution du nombre de taxons polluosensibles (p<0,005) à l’aval des étangs. L’abondance totale n’étant pas modifiée significativement entre l’amont et l’aval des étangs, ceci suggère que les taxons polluosensibles présents à l’amont sont remplacés par des taxons plus résistants à l’aval de l’étang. De plus, si l’on s’intéresse aux principaux groupes de macro-invertébrés déchiqueteurs (directement impliqués dans les décompositions des litières), nous avons mesuré une légère augmentation de leur abondance entre l’amont et l’aval des étangs (n.s.) s’accompagnant d’une augmentation significative du nombre de crustacés (p=0,03).

Les résultats de cette étude ont permis de mettre en évidence des différences structurales et fonctionnelles au niveau des écosystèmes lotiques entre l’amont et l’aval des étangs. Ils soulignent également la nécessité de renforcer les études sur l’impact des étangs de barrage sur le fonctionnement des cours d’eau de tête de bassin versant. Il sera nécessaire de comprendre les mécanismes qui contrôlent le fonctionnement de ces écosystèmes complexes avant de pouvoir tirer les conclusions sur la gestion des étangs permettant de minimiser leurs effets sur les écosystèmes lotiques forestiers.

Imprimer le document