Les objectifs de nos travaux de recherche sont de sécuriser les systèmes d'élevage vis-à-vis du risque chimique d'origine environnemental. Comme indiqué dans le schéma cette démarche est réalisée en trois étapes, compréhension, formalisation et action. Ces travaux sont menés grâce aux nombreux modèles (in silico, in vitro, cellulaires ou animaux) développés ou maîtrisés dans notre laboratoire mais également via des collaborations. L'ensemble s'accompagne d'une intense activité d'expertise sanitaire en agence mais également de terrain.
Afin de construire les questions scientifiques de l'équipe, la question précédente est appréhendée via une approche systémique. Le système étudié est l'agro-écosystème. Les molécules d’intérêt sont des polluants organiques, majoritairement persistants soit dans le milieu d'exposition de l'animal (eau, sol, sédiment) soit chez l'animal. En termes de sensibilité, une priorité est accordée aux molécules bioaccumulables dans les tissus animaux car en dépit de teneurs environnementales considérées comme "faibles" (ce qui concerne une surface agricole importante), les niveaux atteints dans les tissus peuvent poser problème pour la sécurité sanitaire humaine. Il s'agit donc de micropolluants organiques. La voie d'exposition retenue est une voie non volontaire, elle inclut des molécules non intentionnellement produites (HAP, PCDD/F), des molécules de synthèse interdites (PCB, pesticides bannis comme les organochlorés emblématiques) ou des molécules autorisées mais arrivant à l'animal en tant que contaminant de l'environnement (HBCD, métabolites de pesticides) et non directement via l'usage autorisé (le médicament vétérinaire est exclu).
Au sein du système, nous distinguons deux processus clés dans la contamination des denrées animales : l'exposition et le devenir du polluant chez l'animal. Au sein de chacun d’eux, différentes étapes pilotent le transfert. C'est à ce niveau que se situent les questions scientifiques que l'équipe se propose de résoudre. Ainsi l’exposition est décomposé en deux : les matrices vectorisant le polluant et la capacité du polluant à être extrait (matrice-dépendante) dans le tube digestif de l'animal (espèce-dépendante). Le transfert dans l’animal est lui, décomposé en 4 processus comme décrit ci-après.
Pour les polluants visés par l'équipe, la voie orale reste une voie majeure d'exposition en ce qui concerne les animaux terrestres et partagée avec la voie branchiale pour les animaux aquatiques. Les matrices concernées sont donc les végétaux, les proies, le sol, les sédiments et l'eau. Le premier enjeu est de déterminer la quantité de chacune de ces matrices ingérées par l'animal ce qui correspond à l'exposition externe de l'animal. Pour certaines de ces matrices qui sont des puits (sol, sédiment), leur vision en tant que source, nécessite de se poser la question de la rétention du polluant. C'est la notion de bioaccessibilité. L'équipe a développé des méthodes d'évaluation de la bioaccessibilité relative (ce qui consiste à exprimer la capacité de rétention d’une matrice en proportion de celle d'une matrice de référence, considérée comme maximale ?) qui permettent de déterminer la capacité de la matrice vecteur à libérer ou non le polluant dans le tractus digestif. Afin de comprendre cette relation tri-partite polluant-matrice-tractus, deux stratégies expérimentales sont mobilisées : une approche comparative et une approche explicative. Ces deux approches se basent sur des travaux in vitro (isothermes de sorption-désorption ; tests de type Physiologically Based Extraction Test), ex vivo (cultures de cellule, intestin retourné...) ou in vivo. Lorsque la concentration en polluant de la matrice vecteur est connue, le produit de la quantité de matrice ingérée par la bioaccessibilité permet de hiérarchiser les voies d'exposition externe de l'animal. Reste à connaître son devenir chez l'animal, avec une étape cruciale : sa biodisponibilité.
La part d'un polluant, auquel l'animal est exposé par voie externe, qui atteint la circulation systémique est couramment définie comme étant la fraction biodisponible. L'enjeu pour l'équipe est de déterminer cette fraction, mais également son devenir à savoir sa distribution tissulaire, son éventuel métabolisme et son excrétion. L'ensemble de ces processus constitue l'approche ADME pour absorption-distribution-métabolisme-excrétion. L'équipe vise à pouvoir décrire quantitativement ces processus et à identifier leurs principaux facteurs de variation en complément des connaissances acquises par la bibliographie.
Les travaux de compréhension sont complétés par des réflexions d'ingénierie. En effet une fois les mécanismes identifiés et intégrés, il devient possible d'imaginer des solutions permettant de modifier les transferts vers les denrées animales mais également de construire des scénarios. Ceci apporte un support significatif en termes d'évaluation du risque sanitaire d'origine chimique et de gestion de crise via la modification de pratiques ou la mise en place d'innovations technologiques en élevage.